A quand notre majorité?
Il y a des minorités réelles et des majorités réduites
à la minorité. Cela n’a jamais importé dans l’histoire. Des peuples sont allés
faire des guerres en pensant triompher facilement d’un ennemi de loin inférieur
en nombre, et ont été défaits. Et d’autres se sachant inférieurs en nombre ont
eu recours au courage et à la ruse pour venir à bout de leurs ennemis en
surnombre. Toutes les civilisations ont commencé par l’action d’une minorité.
La civilisation vient justement pour mettre les peuples d’accord entre eux, les
fédérer sous un même étendard, pour mener une action commune qui est au-dessus
des préoccupations ordinaires, synthétisant les efforts pour créer une ambiance
à la création de laquelle le minoritaire ne se sent pas moins impliqué.
Quand la civilisation s’écroule, épuisée, il est
normal que l’unité créée par la société s’envole en morceaux, chacun se croyant
lésé. Dans l’histoire, il n’y a que des minorités qui… accèdent à leur majorité
avant de retomber dans l’oubli, parfois.
Tous les problèmes humains (guerres, racisme)
résultent de l’absence d’un principe unificateur.
Notre époque caractérisée par le mensonge, la désinformation et
la promotion des valeurs inférieures a voulu élever au rang de
principe moral le droit des minorités. L’idée est en apparence belle
et juste. Mais c’est une idée relevant
de la rhétorique humanitariste qui a été pensée comme une énième peau de banane
sur laquelle on veut nous faire glisser, nous autres les musulmans. C’est
encore une de ces idées fausses que l’on sème sur notre chemin pour nous
retarder. On cherche à étouffer dans l’œuf l’aspiration de plus en plus
perceptible et crédible de nos peuples à renaître, à respirer enfin l’air de la
grandeur, de la civilisation.
''Ils'' se mobilisent pour prétendent-ils nous
protéger de nos dictateurs. Ils se comportent comme nos nouveaux tuteurs, eux
qui hier encore occupaient nos pays et y agissaient à leur guise, sans foi ni
loi. Depuis que les peuples arabes font montre de leur désir d’accéder à la
majorité, on cherche à leur imposer le bon chemin à suivre pour mener à bien
leur ‘’printemps’’. On veut leur imposer la vision de la bonne ‘’démocratie’’,
et leur persuader que le moment n’est pas encore venu pour eux de voler de
leurs propres ailes.
On ne nous protège pas ; on veut nous tenir loin
de toute idée de grandeur, c’est à dire d’accéder à notre majorité. ''Ils'''
voudraient que nous ne soyons jamais que des éternelles minorités, toujours
dépendants d’eux. Même la grande Egypte est réduite à téter le sein toxique de
‘’l’aide’’ américaine !
Ceux qui au grand jour font mine de promouvoir la
défense des minorités ont agi et continuent d’agir secrètement sur un principe
diamétralement opposé et avec des visées claires : empêcher que les vraies
minorités qui se soulèvent de nos jours ne parviennent à leurs buts, en les
subvertissant, en les anticipant. Tous ces voyous qui croient appliquer
l’islam à Timbouctou en détruisant des monuments, et qui terrorisent la
population syrienne en croyant mériter le paradis, agissent en réalité dans le
but contraire aux intérêts de l’islam et de l’arabisme.
Le but des USA et de leurs alliés est
bien l’écrasement de la vraie minorité que sont les musulmans, avant
qu’elle ne devienne capable de mettre en danger leur majorité, c'est-à-dire
leur mainmise sur le monde musulman. Ceux qui aujourd’hui
prétendent faire respecter un principe au nom de la charte des
Nations-Unies, sont en train de pousser les peuples arabes à se chamailler,
à s’entre-déchirer, afin qu’eux-mêmes puissent conserver le dessus et le
droit de les manipuler.
Outre cela, cette prétendue défense des minorités
présente le grave inconvénient de donner à la minorité l’illusion
d’être réellement protégée par autrui, ce qui l’amène à
se dispense de faire elle-même le nécessaire effort qui doit
l’élever jusqu’à sa majorité.
Au 19ème siècle, les nationalistes
occidentaux ont construit l’unité de leurs pays (Allemagne, Italie notamment)
par la force, au détriment de nombreuses minorités qui composaient l’Europe.
Les pays européens peuplés de quelques millions
d’habitants ont placé sous leurs autorités coloniales des centaines
de peuples lointains réduits à une situation proche de l’esclavage, saccageant
leurs richesses, celles des hommes et celles du sous-sol. Pendant un siècle et
demi de colonisation, ils n'ont rien fait pour aider ces peuples à ‘’sortir de
leur minorité’’, comme dirait Kant.
Kant cependant associe la sortie de la
minorité à la civilisation. Pas celle que les
bons missionnaires armés jusqu’aux dents ont apportée dans nos pays,
mais celle que les peuples minoritaires entreprennent de construire pour leur
propre compte.
C’est par suite de la décadence que
l’on devient minoritaire, comme un effritement des énergies, une
dispersion des efforts qui n’agissent plus qu’au niveau de la tribu. Le réseau
des relations sociales qui garantissait l’unité de l’ensemble civilisé, se
défait, et retourne à l’état où il se trouvait avant la civilisation.
La civilisation ne s’importe pas, pas plus qu’elle ne
s’exporte. Il faut se mobiliser, agir par soi-même et ne pas attendre que le
loup vienne vous sortir du piège, car ce sera pour vous dévorer. ‘’Les
lumières’’ viennent de l’intérieur.
Il faut donc inverser le raisonnement et dire que
c’est par sa faute que la minorité est minoritaire. Il ne s’agit pas de
proclamer un droit nouveau pour condamner les minorités, mais de leur enseigner
que l’on ne peut sortir de son mauvais état que par son propre effort. Comme
l’enseigne le Coran.
La sortie de la minorité s’effectue en se fixant un
but sublime qui dépasse les petites combines qui servent de politique à nos
dirigeants actuels. Il faut un grand dessein pour unir les peuples et les
mettre en branle. Et dès les premiers succès, cette aspiration à la grandeur va
cimenter et unifier toutes les composantes sociales majoritaires ou
minoritaires. Quand les sociétés voient clairement les choses, elles deviennent
optimistes et dépassent leurs différends. Elles les oublient même. Les gens
s’en débarrassent et les voient enfin tels qu’ils sont : des obstacles
illusoires qui les empêchaient de comprendre et donc d’agir. Quand le
‘’la’’ est donné, toutes les composantes se mettent à agir à l’unisson, guidées
par le principe supérieur de l’islam, sans renoncer forcément à leur
particularisme : le kurde peut rester kurde, et le berbère peut se
définir berbère. Mais aucun d’eux ne subira cette sorte de minorisation
entrainée par la décadence. Il gardera la tête haut, fier de servir la meilleure
religion qui soit.
Si on considère que le régime de Assad est
minoritaire, force est de constater que cette minorité a préféré défendre l’intérêt
supérieur du Sham, alors que son intérêt de minorité était de se mettre au
service des ennemis et d’accepter la paix avec l'entité sioniste. Cela aurait
eu pour conséquence que son pouvoir échapperait ipso facto à toute contestation
et agression
Il y a une immense différence entre un dictateur à la
solde d’une puissance étrangère, et un dictateur qui veut obliger son peuple à
suivre la voie de l’honneur. Je crois que c’est Fidel Castro qui a dit que son
gouvernement avait le droit d’interdire aux cubains d’être des
analphabètes.
Si la Syrie arrive à se sortir de ce défi qui met en
péril son existence même, elle imprimera à la mentalité arabe la conscience de
son unité, en lui proposant de ne pas s’arrêter là. Il faut que le grand Shâm
redécouvre la grandeur et contribue à aider les arabes à garder vivante la
confiance en soi pour nous sortir à jamais de cette véritable minorité
humiliante dans laquelle nous nous sommes retrouvés prisonniers depuis des
siècles.
Chaque succès d’un pays entraînera le succès
d’un autre.
Pour s’éclairer davantage, je suggère au lecteur de
méditer un texte du philosophe allemand Emmanuel Kant qui n’avait pas en vue les
peuples de l’Orient soumis rude épreuve par les interférences incessantes de l’Occident,
mais qui a eu une intuition qui s’est faite rare en Occident.
Le texte daté de 1784, est accessible sur internet. Il
suffit de taper sur la barre de recherche : « Qu’est-ce que
les Lumières ? Kant » pour trouver un site qui vous le propose en
lecture et en téléchargement libre.
Abû al-‘Atâhiya
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